Le moulin de la Forge
900 ans d'histoire

avec la participation de Guy Lamarre


Quel autre site industriel peut se vanter d'avoir près de 900 ans d'existence?

Fossemore, fausse more, Faulce more, fossa mora, Fosemore, Fossemor, Fousemour.... Ce lieu est difficile à situer car les textes anciens nous parlent plusieurs fois, et de façon différentes, de Fossemore. On le retrouve à l’emplacement du moulin de la Forge, mais aussi à l’emplacement du Moulin de la Madeleine. Le territoire de Fossemore représentait sans doute au Moyen-Age la totalité ou tout du moins, une grande partie de la rive gauche de la Vanne de Saint Philbert au moulin de la Forge. 


Moulin au fil de l'eau au Moyen-âge

Nous trouvons les premières traces d'un moulin à Fossemor,  lorsque Louis Le Gros accorde en 1131 aux moines de l’abbaye des Echarlis, le droit de moudre à Fossemore, le grain nécessaire à leur consommation de leur maison de Vaumort, sans avoir à payer ni mouture ni coutume . Il ne s'agit pas du moulin de la Madeleine construit plus tard.

Louis-le-Gros, par une charte de l'année 1133, donna aux Frères de l'Hôpital de Jérusalem à Cerisiers, le moulin de Theil, en territoire de Fossemore, avec le meunier, ses enfants, et le fonds nécessaire pour y bâtir des maisons . Ils'agit du moulin qui sera appelé plus tard "moulin de la forge"

De 1456 à 1528 une forge en ce moulin.

En 1456 deux baux furent signés avec Jehan Remi pour créer une métallurgie à Theil-Fossemore

En 1456, Jean Gondard, Abbé de Dilo, confie à Jehan Remy «maître et gouverneur des forges et moulins de Fossemore», par bail à quatre vies et les 19 ans suivant la quatrième vie, un sault de moulin à faire fondre (le moulin de la Madeleine). C'était la nouvelle technique des hauts fourneaux qui s'implantait dans la région.

La même année, en 1456, «Appartient à l'Hospital de Cerisiers, un molin qui s'appelle Molin de Faulce more, où y a audit molin une forge à fer ; lequel molin et forge fut baillié à 99 ans, à un nommé Jean Remi, au canon de 32 livres tournois» .(futur moulin de La Forge)


Martinet mu par le moulin

Après 1528, la forge fut reconvertie en moulin à farine car le 17 novembre 1595, la commanderie de Launay de l’Hospital de Cerisiers, baille à Marc Bauldry marchand meunier à Cerisiers, deux moulins (et non pas un) sous une halle dépendant de la Commanderie au lieu-dit Fossemor sur la rivière Vanne .


cadastre napoléonien (1835)

Le moulin de la Forge dans la tourmente révolutionnaire

Par bail du 21 avril 1786 Claude Guillaume Baupréau, receveur de la Commanderie de Cerisiers, affermait à Etienne Pigeotte, meunier à Fossemore, paroisse de Theil : Le dit moulin de Fossemore appelé la Forge Garcy, avec droit de banalité sur les habitants du bourg et des hameaux de la paroisse de Cerisiers.

Dans le cahier de doléances de 1789, les habitants observent qu’environ 50 arpents (25 hectares) de prés francs sont toujours couverts d’eau et se détruisent par ce moyen. Ils croient qu’il serait facile de les dessécher et de leur donner une bonne valeur , en ouvrant une vanne qui servait autrefois aux marchands de bois pour le flottage et qu’ils ont abandonné et fait barrer parce que le flottage, se fait à présent par la rivière même. Cette vanne servait pour le canal des marchands et sauvait d’un coude d’un quart de lieu formé par la rivière.

Par sentence rendue le 23 janvier 1792 en la justice de paix de Villeneuve l’Archevêque, entre le sieur Guillaume Baupréau, receveur de la commanderie de Cerisiers, et Etienne Pigeotte, en raison de la suppression de banalité du moulin de Fossemore du 27 octobre 1791, le bail d’Etienne Pigeotte a été réduit de 800 livres.

Mais la plainte des habitants de Theil sur les inondations périodiques des près fut entendu par la Révolution.

Dès le 25 janvier 1793, un rapport de l’ingénieur Ulriot avait conclu à la nécessité de la démolition des moulins de Chigy et de la Forge pour donner aux eaux un libre écoulement et les empêcher de se répandre dans les plaines des deux paroisses de Chigy et de Theil.

Le 18 brumaire an V (1796), Le moulin de la forge sur la vanne provenant de la commanderie de Cerisiers fut vendu à Dufresne, à charge pour l’acquéreur de démolir le vannage et le moulin dans les plus bref délais.


solution proposée par les Ponts et Chaussées en 1856


solution proposée par les Ponts et Chaussées en 1856

En 1812 M. Fontaine demanda et obtint, par décret impérial, l’autorisation de reconstruire le moulin de la Forge, il ne le reconstruisit pas mais revendit ce qui restait du moulin à Mr d’Etigny fils de Mr de Sérilly (il s’agit d’Armand Mégret de Sérilly). En 1824 Mlle de Sérilly sœur de Mr d’Etigny demanda une autre autorisation de le reconstruire.

Un rapport fut déposé par l’ingénieur ordinaire de Sens Mr D’antenay le 31 janvier 1829 et l’ordonnance royale donnant son accord, signée le 18 février 1834.

Mais entre 1829 et 1834 le moulin avait été reconstruit suivant les prescriptions du rapport de l’Ingénieur ordinaire et non l’ordonnance royale d’où un erreur de 26 cm (plans de 1856).

A la suite de la production du procès-verbal de récolement, un arrêté de 1838 somme le nouveau propriétaire, M. Nansouty d’effectuer certains travaux.

En 1842, les travaux ne sont toujours pas exécutés, le nouveau propriétaire du moulin de la Forge est M.de Fussy, Marquis d’Ormenans.

M. Corpechot, qui a racheté le moulin de la Madeleine à M. Boureau, se plaint que les eaux du moulin de la Forge refluent jusqu’à son moulin de la Madeleine !

L’instruction suit son cours… En 1849 M. de Fussy revend le moulin suite à une faillite, sans prévenir le nouveau propriétaire. En 1853 Nouvelle plainte de M. Corpechot, qui décède peu après.

Un arrêté de mise en demeure d’effectuer les travaux est promulgué en 1853. Le nouveau propriétaire fait appel de l’ordonnance royale. Il s’ensuit une bataille de procédure qui trouvera sa conclusion le 19 avril 1859.

Quatre propriétaires successifs du moulin de la Forge, et vingt cinq années de procédure pour 26cm de dénivelé d’eau.

 Dix ans plus tard le moulin était racheté par la Ville de Paris….



Moulin de la Forge au moment du rachat par la Ville de Paris


Usine de la Forge au XIXème siècle

L'usine élévatrice de La Forge

L'usine de la forge située sur la commune de Theil-sur-Vanne relève de 20 mètres environ les eaux dites «sources basses» dans l'aqueduc de la Vanne, qui les achemine par gravité jusqu'à Paris.

On appelle "sources basses" essentiellement les sources de Theil, (Saint Philibert et Saint Marcouf, Caprais-Roy, les deux sources du Miroir, source de Malhortie, source du Chapeau, source de la Cascade), source de Chigy et source de Noé.

Actuellement, l'usine possède un potentiel de pompage de 55.000 M3/jour


L'usine fut mise en service en 1875.

Elle a successivement connu les modifications d'équipement suivantes:

• 1876 Mise en service d'une première génération de Pompes-turbines hydrauliques.

• 1883 Mise en service de pompes à vapeur

• 1934 Remplacement des machines pompes à vapeur par des pompes diesel.

• 1952 Remplacement des premières pompes-turbines hydrauliques par deux pompes Kaplan Bergeron.

• 1963 Remplacement des pompes diesel par des groupes électropompes.



Pompes turbines de l'usine de la Forge


Pompes à vapeur de l'usine de la Forge

• 1991-1992 Travaux de fontainerie et génie civil.

• 1993 Révision mécanique complète et automatisation des deux Turbines Kaplan. Rénovation des équipements électriques et automatisation de l'usine. Rénovation de tous les corps d'état, du bâtiment principal de l'usine, afin d'entraîner le visiteur dans les «entrailles» de l'usine.

L'exploitation de cette usine. entièrement manuelle, était assurée par une équipe « 3x8 » composée de 7 personnes.

Une importante opération de rénovation et d'automatisation de cette usine a été réalisée de 1991 à 1993, afin de réduire les contraintes liées au roulement et de permettre un redéploiement des agents vers d'autres services.




Aménagement de la rivière « Vanne » et des abords par la mise en place de 800 mètres de palplanches métalliques.

Afin de préserver la faune, des passages à gibier ont été réalisés le long des palplanches, une échelle à poissons sera prochainement installée pour permettre la remontée des truites à l'amont de la rivière.

L'inauguration de l'usine a eut lieu le 28 juin 1994.

Il faut savoir pour mémoire que la « SAGEP » (Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris) envoie 155 000 M3 d'eau par jour à Paris avec ses différents sites de la région sénonaise, soit 28% de la consommation parisienne (550.000 M3 par jour).

(Cet article a été réalisé avec l'aimable participation de la SAGEP, Centre de Sens.)


plan usine de La Forge (29 avril 1893)

Vous pouvez découvrir la métallurgie au Moyen-âge à Theil et la Guerre des Moulins
dans notre bulletin N°13 "Au courant de la Vanne" de décembre 2013.