| L'Abbé
Costel, curé de Foissy-sur-Vanne
Communication présentée par Etienne DODET à la Société Archéologique de Sens
A-t-il
été déporté pendant pendant la Révolution ?
Dans
son ouvrage Le Clergé de l'Yonne pendant la Révolution
(Ed. Duchemin - 1900) l'abbé Bonneau reviendra sur cette affirmation et
écrira que l'abbé Costel « échappe à la déportation
et demeure en réclusion à Auxerre ».
Cette
dernière affirmation est la plus stupéfiante. Ecrire que l'abbé
Costel passa inaperçu, confondre Courson-les-Carrières
au sud d'Auxerre, dans l'Yonne, et Coursan dans l'Aube n'est vraiment pas sérieux. Alors,
l'abbé Costel, prénommé Claude-Marc ou Claude Marie sur ces
documents, fut-il déporté, emprisonné, voire émigré,
ou traversa-t-il la tourmente révolutionnaire paisiblement ? Bien
entendu, la vérité est connue depuis longtemps, mais les affirmations
contradictoires qui ont jalonné le XIXe siècle, et ce curé
de campagne, même s'il était devenu doyen, élu député
aux Etats Généraux
de 1789... voilà qui donnait envie d'en savoir plus. Pour
y voir plus clair, je me référerai non seulement à l'ouvrage
de l'abbé Bonneau, mais aux recherches de Charles Porée, aux dossiers
des Archives Départementales qui se présentent sous forme d'un registre,
à l'essai bibliographique de Monceaux, accessoirement aux Almanachs
Tarbé et, pour situer les évènements
sénonais dans le cadre national à L'Histoire de la Révolution
Française qu'Adolphe Thiers entreprit d'écrire en 1823. Nous
allons donc suivre Claude-Marc Costel dans sa carrière de prêtre
et de député, c'est-à-dire, plus particulièrment de
1789 à 1800. Claude-Marc Costel naquît à Coursan
en 1729 et y mourut en 1813. Situons ce village, ainsi que les lieux où
vont se dérouler les évènements qui vont marquer ces onze
années : Foissy-sur-Vanne, Les Clérimois, Sens, siège du
bailliage, Chaumot... et Joigny comme chef-lieu du District auquel appartient
cette dernière commune. Coursan-en-Othe.Coursan, en Othe
depuis 1919, Coursan auparavant (avec un T au XVIIIe siècle) est une petite
commune du département de l'Aube, canton d'Ervy-le-Chatel. Elle compte
un peu plus de cent habitants.
Ancien château de Coursan (source Luc LORNE) - cliquez sur l'image pour l'agrandir
Entourée du cimetière, placée
sous le patronage de Saint-Martin, l'église, datant du XIIe siècle,
fut restaurée au XIXe. Statues, restes du mausolée d'Edouard de
Brouillard, baron de Coursan, éléments d'un ancien retable, elle
n'est pas sans intêret. L'ancien château médiéval, dont
il reste une tour, fut démoli en 1780 et remplacé par un autre,
aujourd'hui la mairie. Dans son parc, s'élève fièrement un
tulipier de Virginie. Haut de 30 mètres, le tronc ayant une circonférence
de 4,50 m, il est âgé de plus de 300 ans. Il est donc le frère
aîné de celui de notre square Jean Cousin, à Sens.
Eglise de Coursan (source Luc LORNE) - cliquez sur l'image pour l'agrandir
Quand naquît
Claude Marc Costel, le 25 avril 1729, Coursan, devait être bien plus peuplé
qu'aujourd'hui. Il comptait encore 360 habitants au milieu du XIXe siècle.
Si Coursan dépendait alors, administrativement, de la Généralité
de Paris et du bailliage de Troyes, la paroisse, elle, relevait du diocèse
de Sens, doyenné de Saint- Florentin.
La jeunesse
de Claude-Marc Costel.Rien ne permet de situer socialement
la famille du futur abbé Costel. Ses parents sont-ils laboureurs, artisans
ruraux dans ce bourg de la campagne champenoise, situé à la jonction
du Pays d'Othe et du pays d'Armance ? En tous cas, ils sont « bons
catholiques », très proches de l'Eglise dont deux de leurs descendants
deviendront les serviteurs. On imagine volontiers que Claude-Marc Costel
devint enfant de chœur et que ce fut l'occasion pour le curé de remarquer
ses aptitudes à recevoir une instruction et lui en apprit les premiers
éléments. Il dut également lui enseigner le « nouveau
cathéchisme » que Mgr Languet de Gergy, aussitôt nommé
au siège de Sens en 1731, avait imposé, ce qui lui vaudra une très
longue « dispute » avec un nombre non négligeable
de curés et de chanoines de son diocèse, encore empreint de jansénisme. Mgr
Fourrey, dans son ouvrage Le Champion de la Bulle Unigenitus, Jean-Joseph Languet
de Gergy, Archevêque de Sens, écrit : Dès
son arrivée dans le diocèse, il songea à façonner
sur place une jeunesse cléricale, préservée de toute contamination
janséniste.
ajoutant qu'à
Saint-Florentin (rappelons que c'est le siège du doyenné dont dépend
Coursan), l'archevêque avait trouvé des « auxiliaires
dévoués », les frères Capucins, et qu'il avait
veillé à ce que « la paroisse ait à sa tête
un curé parfaitement orthodoxe ». Il semble utile de donner
toutes ces précisions qui nous permettent de mieux comprendre la formation
(et peut-être demain les prises de position) que suivit Claude-Marc Costel. A-t-il
fréquenté le Petit séminaire à
Sens ? En tous cas, on l'imagine séminariste à Sens entre la fin
des années 1740 et le début des années 1750, le Grand
séminaire étant alors établi à l'angle de la Grande
Rue (rue des Déportés) et de la rue des Cordeliers.
La vie sacerdotale de l'abbé Costel jusqu'en 1789.Après
son ordination, et peut-être un vicariat, le jeune abbé Costel devint
: - Curé de Lasson, à
3 Km de Coursan en 1758 - puis curé de Cérilly,
en pleine forêt d'Othe
église
de Cérilly aujourd'hui
- Enfin, curé
de Foissy-sur-Vanne et de son annexe, Les
Clérimois en 1781.
église
de Foissy au début du XXème siècle
Les
Clérimois dépendaient alors de la prévôté de
Foissy et ce hameau ne deviendra commune qu'en 1888.
église
des Clérimois au début du XXème siècle
L'abbé
Costel est alors âgé de 52 ans. L'année suivante,
en 1782, il est nommé doyen de la Rivière de Vanne. Ce doyenné
avait été créé au XIIIe siècle. Cette nouvelle
fonction, qui le met à la tête de l'un des 12 doyennés du
diocèse, où il a pour rôle de transmettre à ses curés
les informations et les décisions de l'administration épiscopale,
de remettre à cette dernière les redevances qu'il perçoit
dans chaque paroisse, lui donne une importance nouvelle au sein de la hiérarchie
diocésaine et l'amène à côtoyer plus souvent les autorités
civiles. Necker, en 1778, avait mis sur pied un projet de circonscriptions
territoriales, appelées départements, dans le but de contrebalancer
le pouvoir des intendants et de leurs subdélégués. Cette
mise en place avait traîné en longueur. Dans la généralité
de Paris, il fallut attendre 1787 pour que cette nouvelle organisation voit le
jour. Ainsi était né le Département de Sens qui comprenait
six arrondissements : Sens, Villeneuve-le-Roi, Villeneuve-L'Archevêque,
Sergines, Nogent-sur-Seine et Bray-sur-Seine. Son assemblée comprenait
24 membres, 4 par arrondissement dont un ecclésiastique.
Pour celui de Villeneuve-L'Archevêque ce fut l'abbé Costel. Voilà
une nouvelle fonction, civile celle-là, qui, à nouveau, lui donnait
du poids et lui apportait de la considération.
L'Abbé
Costel, représentant de la Nation 1789-1791.Je ne vais
pas revenir sur la situation politique et économique de la France qui avait
amené Louis XVI à convoquer les Etats généraux pour
le 5 mai 1789. Encore fallait-il élire au préalable les députés
qui y siègeraient et rédiger les Cahiers de Doléances destinés
à guider leurs travaux. La préparation des Etats généraux
au Bailliage de Sens.Le 12 février 1789, Louis-Clément Bonaventure
Jodrillat, lieutenant général du bailliage, reçut la lettre
du roi lui permettant de convoquer les représentants des trois ordres :
clergé, noblesse et tiers état, de préparer ces cahiers de
doléances et de procéder à l'élection des députés
de chaque ordre des Etats généraux. L'abbé Costel
est au nombre des représentants du clergé.Le 10 mars, une
assemblée préliminaire réunit au siège du bailliage
(notre Palais de Justice) les 495 députés porteurs des cahiers de
doléances de leurs paroisses, dont il fallait faire la synthèse.
Il fut convenu que chaque ordre rédigerait son propre
cahier de doléances. L'assemblée générale
des trois ordres se réunit du 16 au 24 mars. La première séance
fut précédée d'une messe « pour implorer les lumières
du Saint-Esprit », célébrée par Mgr de Champbertrand,
doyen de l'église métropolitaine (Ch. Porée, Sources manuscrites
de l'Histoire de la Révolution dans l'Yonne). L'assemblée
du clergé, réunie le 18 mars, élut 12 membres, dont
l'abbé Costel, pour rédiger ses cahiers. Ce fut chose faite
le 23. Le lendemain 24, chaque ordre procéda à l'élection
du ou des députés qui le représenterait aux Etats généraux
: deux pour la Noblesse, deux pour le Tiers-Etat et un pour le Clergé. Sur
227 votants, les scrutateurs ont annoncé que M. Costel, curé de
Foissy, ayant réuni plus de la moitié des suffrages était
nommé député de l'ordre du clergé.
écrit
Charles Porée dans le même ouvrage (Sources manuscrites de l'Histoire
de la Révolution dans l'Yonne) et ajoute dans celui qu'il consacra
aux Cahiers de Doléances du Bailliage que : Les
curés de campagne avaient assuré la victoire de l'abbé Costel
sur le doyen du Chapitre, M. de Champbertrand.
Voilà
qui mérite réflexion et en dit long sur l'état d'eprit de
ces curés, chaque jour au contact de la population déshéritée
et qui, pleins d'espérance dans ce qui résulterait des travaux des
Etats généraux, préféraient l'un des leurs aux représentants
de la hiérarchie. Il serait intéressant de savoir comment les représentants
du clergé dans les autres bailliages avaient voté, ou si l'abbé
Costel va faire figure d'exception parmi les ecclésiastiques élus
aux Etats généraux, qui deviendront tout de suite Asssemblée
Nationale Constituante. On suppose la joie de l'abbé Costel en ce
24 mars 1789. Il ne peut imaginer le sombre avenir qui l'attend... même
si celui de son concurrent, Mgr de Champbertrand, doyen du Chapitre, vicaire général,
qui, lui, ne dérogera pas, fut infiniment plus cruel puisque, comme chacun
sait, il périra sur l'échafaud le 10 mai 1794. Avant de poursuivre,
découvrons les noms des 5 députés que le bailliage avait
élus : L'Assemblée
des trois Ordres des Bailliages de Sens & de Villeneuve-le-Roi, a terminé
les séances, hier matin 24 de ce mois. Les Députés choisis
pour les Etats-généraux, font : Dans
l'Ordre du Clergé, M. Costel, Curé de Foissy. Dans
l'Ordre de la Noblesse, M. le Duc de Mortemart, Pair de France, & pour
suppléer en cas d'absence, M. le Marquis de Maubec. Dans
l'Ordre du Tiers Etat, MM. Jaillant, Lieutenant-Criminel, au Bailliage
de Sens, & Menu de Chomorceau, Lieutenant-Général Honoraire,
au Bailliage de Villeneuve-le-Roi, & pour suppléer en cas d'absence,
M. Deschamps, Président de l'Election, à Tonnerre. (Les Affiches
de Sens 25 mars 1789).
L'abbé
Costel député du Clergé aux Etats Généraux.Les
Etats généraux ouvrirent le 5 mai 1789. La veille, avec tous les
autes députés, l'abbé Costel s'était rendu à
Notre-Dame en procession avec le roi et la reine pour assister à l'office
précédant cette réunion. Il put, ainsi, écouter le
sermon prononcé par le député du clergé de la province
de Lorraine, Mgr de la Fare, évêque de Nancy. Celui-ci souligna : L'urgence
et le profond des réformes à intervenir, dépeignant avec
sévérité les fautes, les abus de la société,
le luxe et les vices des grands dont l'exemple poussait à l'abaissement
des mœurs et à la misère des humbles.
rapporte
l'abbé Noirot (Le Département de l'Yonne comme Diocèse
T.I p. 178). Telle prise de position de celui qui sera cardinal-archevêque
de Sens de 1821 à 1829 dut être agréable aux oreilles de l'abbé
Costel et lui montra qu'il n'était pas isolé parmi les députés
de l'ordre du clergé. Adolphe Thiers, dans son Histoire de la
Révolution, écrira que « le clergé tâchait
de capter les plébéiens de son ordre » et qu'au moment
où il se posa la question de savoir si les trois ordres siègeraient
ensemble ou séparément, il fut « partagé
à cause du grand nombre de ses curés » et que
« son rôle obligé était celui de la modération
et de l'esprit de paix ». Voilà qui répond à mon
interrogation : l'abbé Costel n'était pas isolé parmi les
députés du clergé. Après les décisions
du Tiers de constituer les Etats généraux en Assemblée Nationale,
le clergé se rallia à cette décision le 18 juin par 149 voix
contre 115. Le 9 juillet suivant, l'abbé Costel fut, certainement
de ceux qui décidèrent que cette Assemblée Nationale se donnait
pout tâche de doter le royaume d'une constitution. Une semaine plus
tard, il dut être impressionné par les émeutes du 14 juillet,
les premières têtes brandies à la pointe d'un pic et peut-être
éprouva-t-il ce jour-là ses premières inquiètudes
devant pareille férocité laissant présager d'autres orages. Le
mois suivant, en absence de documents, on peut imaginer que notre député,
vota sans états d'âme : - l'abolition des privilèges,
le 4 août - celle de la dîme, l'Etat s'engageant à prendre
en charge les frais du culte - La déclaration des droits de l'homme;
le 26 août, en préliminaire de la future constitution.
En
septembre, après une longue discussion pour savoir si le parlement qui
allait naître de leurs travaux serait composé d'une
ou de deux chambres, il fut sans doute au nombre des
499 constituants qui se déclareront pour une, alors que les 89 étaient
pour deux et que 122 ne se prononçaient pas, « par l'effet de
la crainte inspirée à beaucoup de députés »,
écrit Thiers (Op. cité), remarque qui montre que l'atmosphère
devenait pesante. Costel se prononça-t-il, comme les deux tiers de
l'assemblée pour le droit de véto suspensif
(et non absolu) auquel le roi avait fini par se rallier ? Nous arrivons
en novembre où deux importantes questions vont être abordées
: la formation des départements et le devenir des biens du clergé.
La formation des départements.Début novembre, fut entamée
l'étude de la division du royaume en départements. Le but était
d'en rationaliser l'administration en supprimant les provinces qui, venues du
fond des âges, jouissaient de prérogatives et de droits différents. Là,
grâce à l'ouvrage de Charles Porée sur la formation du département
de l'Yonne, dont la réédition de 1989 fut mise à jour par
Jean-Luc Dauphin, qui y apporta « plusieurs additions et rectificatifs »,
nous pouvons découvrir le rôle que l'abbé Costel y a joué. Je
ne parlerai pas ici de ce département de Sens tant espéré
et que beaucoup de raisons justifiaient, mais des limites
du futur département (alors appelé département d'Auxerre),
au nord-est, puis de la formation des Districts (futurs
arrondissements). - D'abord, le 2 janvier 1790, l'abbé
Costel ainsi que ses collègues, Menu de Chomorceau et le marquis de Maubec,
se mirent d'accord avec le député de Provins pour décider
de l'appartenance au département de Melun ou à celui d'Auxerre des
« villages le long de la Seine et dans la plaine de Bray ».
C'est ainsi que Misy-sur-Yonne devint commune du futur département de Seine-et-Marne,
alors que Compigny, Plessis Saint-Jean et Plessis-du-Mée, « malgré
les vœux opposés de leurs habitants », furent incorporés
au futur département de l'Yonne. - Le 15 janvier suivant, alors qu'il
s'agissait de diviser le futur département en districts et cantons, l'abbé
Costel, membre du comité chargé de préparer le dossier, reçut
avec ses collègues quelques uns des délégués des communes
qui prétendaient devenir chef-lieu de district. Nombreuses furent les déceptions.
Si Auxerre, Avallon, Joigny, Sens et Tonnerre ne posaient pas de question, Saint-Florentin
fut plus difficilement retenu et Saint-Fargeau ne dut l'être qu'à
l'insistance de Lepeletier. Toucy, trop près d'Auxerre, et Villeneuve-le-Roi
de Sens et de Joigny, verrront leurs espoirs s'évanouir, malgré
les interventions qui suivront cette réunion. En fin de compte, le département
d'Auxerre comprendra sept districts pendant quelques années, Saint-Fargeau
et Saint-Florentin disparaissant en 1801.
Pour sa part,
Coursan, la commune natale de l'abbé Costel, se trouvait désormais
située dans le département de l'Aube. La mise à disposition
de l'Etat des biens du Clergé.C'est en novembre 1789
également, le 2 pour être précis, que fut votée la
loi mettant les biens du Clergé à la disposition de la nation. Etaient
concernés tant le clergé séculier que le clergé régulier. Voilà
qui allait procurer à l'Etat les ressources financières qui faisaient
tant défaut. Par contre, cette mesure qui prévoyait en retour que
l'Etat subviendrait aux besoins du clergé, fixant la rémunération
des curés à 1.200 francs par an (ce qui était conséquent)
et leur donnant la jouissance d'un presbytère et d'un jardin, mettait le
clergé sous sa dépendance, matérielle dans un premier temps. L'abbé
Costel fit-il partie de ceux qui votèrent cette loi, qui fut adoptée
« à une large majorité » ? En tous cas, ses
conséquences éventuelles ne durent pas lui échapper. Pendant
ce temps, le deuxième semestre de l'année 1789, sur fond de disette,
n'avait pas été exempt d'agitation du peuple
de Paris. Les sanglantes journées d'octobre où, selon l'expression
bien connue, il alla à Versailles chercher « le boulanger, la
boulangère et le petit mitron » pour les ramener aux Tuileries,
sont connues de tous. Quinze jours plus tard, l'Assemblée Nationale décida,
elle aussi, d'aller s'installer dans la capitale. Ainsi gagnons-nous l'année
1790 où l'abbé Costel, député du clergé, va
être confronté à des chois cruciaux.
La mise de l'Eglise de France sous la tutelle de l'Etat - La Constitution Civile
du Clergé. Tout d'abord, le 13 février 1790, l'Assemblée
Nationale décrète la dissolution des communautés religieuses.
Cette décision était déjà implicite dans la loi du
2 novembre précédent, mettant les biens du Clergé à
la disposition de l'Etat; cette loi déclarait :
« ne plus reconnaître les vœux religieux et rendait la liberté
à tous les cloîtrés, en laissant toutefois à ceux qui
le voudraient, la faculté de continuer la vie monastique » (Thiers,
Op. cité). Des pensions avaient été prévues pour ceux
qui, selon une délicieuse expression, « se retiraient en leur
particulier ». C'est ainsi que trois mois après, en février
1790, l'Assemblée voyait la vente du patrimoine du clergé régulier,
abbayes comprises, comme une solution à des besoins d'argent de plus en
plus pressants. Nul doute que l'abbé Costel fut alors ému par le
sort qui attendait ces religieux, comme les Capucins de Saint-Florentin qui avaient
marqué sa jeunesse ou les Cisterciens de Vauluisant, voisins de Foissy. Hormis
la solution des problèmes financiers, certains députés du
Tiers avaient pour souci de mettre l'Eglise de France sous la tutelle de l'Etat.
D'esprit janséniste, marqués par l'esprit des Lumières, enfants
de ceux qui avaient chassé les Jésuites du royaume en 1764, ces
députés n'envisageaint guère qu'une Eglise anglicane. Dans
le cadre de leurs travaux de constituants, ces députés vont proposer
au cours du premier semestre un texte destiné à définir l'organisation
de l'Eglise dans le royaume. Votée le 12 juillet 1790, acceptée
par le roi le 24 suivant, cette Constitution Civile du Clergé (tel sera
son nom) était, en fait, une composante de la Constitution du royaume en
cours d'élaboration. Il était décidé
: - que les diocèses, ramenés de 135 à
83, correspondraient aux limites de chaque département. - qu'il y aurait
dix arrondissements métropolitains. - que dans les communes de moins
de 6.000 habitants il n'y aurait qu'une seule paroisse et que dans les autres
leur nombre serait réduit. - que les Chapitres seraient dissous et
remplacés par des conseils composés de vicaires épiscopaux.
- que les évêques seraient élus.
Le Clergé
réagit vivement contre ces dispositions, considérant qu'on « empiétait
sur l'autorité spirituelle du pape » (Thiers, Op. cité). Quelle
avait été l'attitude de l'abbé Costel devant pareil bouleversement
? Siègeait-il encore à l'Assemblée ? Une correspondante de
notre président, Melle Prinet, lui écrivait (en 1989) « qu'après
avoir fait partie de la majorité hostile aux Prélats, l'abbé
Costel changea promptement d'opinion et ne joua plus aucun rôle à
l'assemblée ». La Fête de la Fédération,
le 14 juillet 1790, fut pour tous les députés présents (l'abbé
Costel était-il du nombre ?) et pour le roi l'occasion de
jurer de mettre en œuvre et de respecter la constitution du royaume.
En fait, un article prévoyait que tous
les fonctionnaires prêteraient serment... Tous les fonctionnaires, donc
les évêques et les curés, désormais payés par
l'Etat. Les députés du clergé, arguant qu'il fallait faire
une distinction entre constitution politique et constitution
ecclésiastique tentèrent d'échapper
à cette contrainte. Après un vif débat, l'Assemblée
: - décréta le 27 novembre
le serment pour tous. - institua le 26 décembre un délai
pour la prestation du serment. Quelle était la teneur de ce
serment ? Je jure de veiller avec soin sur tous les fidèles du diocèse
(ou de la paroisse, s'il s'agit d'un curé) qui m'est confié, d'être
fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi, et de
maintenir de tout mon pouvoir la constitution civile du clergé,
décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée
par le Roi.
Comment les choses vont-elles
se passer à Sens ? Rappelons d'abord que le siège, devenu
épiscopal, était occupé par le cardinal Loménie de
Brienne pour qui l'opportunisme servait de guide et qui va accepter, quasiment
sans protester, la suppression du Chapitre et la réduction du nombre des
paroisses, ramené de 14 à 4. Si Mgr Loménie de Brienne
ne fut pas, contrairement à ce qui a pu être écrit, le premier
à prêter le serment, il va le faire le 30 janvier 1791 au cours d'une
imposante cérémonie qui se déroula dans la cathédrale
en présence de son clergé et des autorités civiles. Il
avait pris soin d'écrire au pape pour justifier sa décision. La
réponse de Pie VI, le 23 février, blâmait sévèrement
son engagement : Vous ne pouviez pas imprimer
un plus grand déshonneur à la pourpre romaine qu'en prêtant
le serment civique...
Mgr Loménie
de Brienne renvoya à Rome son chapeau cardinalice. Pie VI, dont tous
les prêtres de France avaient espéré
une prise de position avant la fin du délai fixé par l'Assemblée
pour la prestation de serment, publia enfin le 10 mars
un bref dans lequel il condamnait la Constitution civile du Clergé. Il
faudra attendre le 13 avril pour qu'il envoie une lettre monitoire « exigeant
des prêtres qui avaient prêté serment, une rétractation
formelle ». (Chanoine Leviste - La Réconciliation des Prêtres
Jureurs - Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne. -
B.S.S.Y. 1998). Imaginons la confusion qui va, alors, régner au sein
du clergé : prêtres qui avaient prêté le serment, pour
bon nombre entraînés par l'exemple donné par l'évêque,
prêtres qui s'apprêtaient à le faire, éventuellement
avec restrictions, prêtres qui, devant l'ordre du pape décident de
se rétracter... les blâmables tergiversations
de Pie VI étaient lourdes de conséquences. Où
en était l'abbé Costel dans tout cela ?
1791-1799.
La vie périlleuse de l'abbé Costel.L'attitude
du pape qui allait amener la rétractation d'un certain nombre de prêtres
qui avaient prêté le serment, avait dissuadé bon nombre d'autres
de le prêter. Le 18 mars 1791, l'Assemblée Nationale avait pris une
loi tendant à redresser la situation. Pleine d'indulgence pour ceux qui
n'avaient pas prêté le serment : L'Assemblée
nationale, considérant que ceux des fonctionnaires publics ecclésiastiques
qui n'ont pas prêté le serment civique dans le délai pres-crit
par la Loi du 26 décembre dernier, ne s'y refusaient que par la suite d'une
erreur où les ont entraînés des suggestions
étrangères. Décrète que les fonctionnaires
publics Ecclésiatiques qui ont prêté ou prêteront purement
et simplement le serment prescrit par ladite Loi, après
l'expiration du délai qu'elle a fixé, mais
avant le commencement du scrutin d'élection pour les remplacer,
pourront conserver leurs places & offices, & ne seront pas réputés
démissionnaires. Le présent Décret ne portera aucuneatteinte
aux élections faites & acceptées avant
la publication.
Quelle était la
situation de l'abbé Costel par rapport au serment ? Claude
Costel refuse le serment écrivent Porée dans Les Sources
Manuscrites de l'Histoire de la Révolution, ainsi que l'abbé
Noiret (Op. cité T. I p. 82), ce qui est confirmé dans le Répertoire
biographique du Diocèse de Troyes, où il est ajouté qu'il
quitte sa cure. L'abbé Bonneau (Le Clergé dans l'Yonne
pendant la Révolution) écrit qu'il ne se conforma pas à
la loi et se démit de sa cure. Pour sa part, Dugenne, dans son Dictionnaire
Historique et Biographique écrit qu'il a prêté serment
avec restrictions, comme vient de le confirmer notre ami Etienne Meunier dans
le dernier bulletin de l'Association du Patrimoine de la Vallée de la Vanne
- A.P.V.V. En fait, l'abbé Costel ne s'est pas démis de ses
fonctions et n'a pas quitté sa cure de son plein gré. Reprenons
l'ouvrage de Porée. Il cite d'abord deux correspondances de Douine, le
procureur syndic du District de Sens. Dans sa lettre adressée le
25 mars au président de l'Assemblée Nationale, après avoir
tenu des propos élogieux sur Mgr Loménie de Brienne « dont
la conduite sert de modèle aux diocésains », il ajoute
: Mais au milieu du calme qui excite notre
allégresse, un léger nuage vient de s'élever. Oui, c'est
avec douleur que je vous rends compte qu'un seul ministre des autels, curé
du village de Foissy, M. Costel, que la Nation voit assis parmi ses représentants,
a refusé la prestation du serment.
Le
2 avril suivant, il écrit aux membres du District de Sens qui lui ont demandé
des instructions quant à la décision à prendre vis-à-vis
de Costel : Le comité ecclésiastique
ne peut qu'applaudir à votre zèle et à vos succès.
Il n'a pu voir sans quelque douleur que le seul fonctionnaire
public de votre district qui ait refusé le serment est un membre
de l'Assemblée nationale. Vous n'avez pas besoin du certificat que vous
demandez pour procéder à son remplacement. Il suffit que le fonctionnaire
ne fasse pas apparaître d'un certificat de serment pour que son remplacement
soit régulier.
Quand, un mois après,
le 1er mai, il est procédé à l'élection des remplaçants
des curés qui ont refusé le serment, Martial de Loménie,
coadjuteur et neveu de l'évêque y prend part. Porée écrit
: Tandis que le coadjuteur de Sens chassait
de son bénéfice le curé de Foissy, député à
l'Assemblée nationale, M. de Bérulle, son seigneur, lui offrait
un appartement dans son château et sa table.
Ainsi
le marquis de Bérulle, propriétaire du château de Foissy-sur-Vanne,
offrait-il à l'abbé Costel, obligé de quitter son presbytère,
de le loger au château. Peut-être accepta-t-il cette hospitalité,
au moins dans un premier temps. Même s'il ne siège plus à
l'Assemblée nationale, (ce que nous ignorons) l'abbé Costel est
toujours député jusqu'à ce qu'elle se sépare, après
le 13 septembre, où le roi accepte la Constitution. Que va devenir
l'abbé Costel, ex-député, ex-curé, prêtre insermenté
? L'abbé Costel à Chaumot.L'abbé Costel va
aller se réfugier à Chaumot, (petite commune voisine de Villeneuve-sur-Yonne)
où son neveu est curé du village. Quand prit-il cette décision
? Avant ou après la promulgation de la loi du 26 août 1792, intitulée
: LOI Relative aux Ecclesiastiques qui
n'ont pas prêté leur serment, ou qui, après l'avoir prêté,
l'ont rétracté, & ont persisté dans leur rétractation.
Pourquoi
l'Assemblée législative avait-elle pris cette loi avant de se séparer
? Il faut dire que depuis un an qu'elle avait été élue, elle
avait siégé sur fond de guerre étrangère avec ses
revers (la patrie avait été déclarée en danger), d'émeutes
à Paris, qui avaient atteint leur paroxysme le 10 août, avec l'invasion
des Tuileries, la suspension de Louis XVI et la naissance de la Commune insurrectionnelle. Le
clergé réfractaire avait-il concouru
à la détérioration de la situation, ou fallait-il
un bouc-émissaire ? En tous cas, le préambule de la loi l'accuse
de tous les maux. Découvrons-le, ainsi que l'essentiel des dispositions
prises : L'Assemblée Nationale considérant
que les troubles excités dans le royaume par les ecclésiastiques
non sermentés, est une des premières causes du danger de la patrie;
que dans un moment où tous les Français ont besoin de leur union
& de toutes leurs forces pour repousser les ennemis du dehors, elle doit s'occuper
de tous les moyens qui peuvent assurer et garantir la paix à l'intérieur,
décrète qu'il y a urgence. L'Assemblée Nationale, après
avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit
: ARTICLE PREMIER Tous
les ecclésiastiques qui étant assujettis au serment prescrit par la loi
du 26 décembre 1790, & celle du 17 avril 1791, ne l'ont pas prêté,
ou qui, après l'avoir prêté, l'ont rétracté,& ont persisté
dans leur rétractation, seront tenus de sortir sous les huit jours hors
les limites du district & du département de leur résidence,
& dans la quinzaine, hors du royaume; ces différents délais
courront du jour de la publication du présent décret... III. Passé
ce délai de quinze jours ci-devant prescrit, les ecclésiastiques
non sermentés qui n'auront pas obéi aux dispositions précédentes,
seront déportés à la Guianne Française; les directoires
de district les feront arrêter & conduire de brigades en brigades, aux
ports de mer les plus voisins qui leur seront indiqués par le Conseil exécutif
provisoire, & celui-ci donnera en conséquences des ordres, pour faire
équiper & approvisionner les vaisseaux nécessaires au transport
desdits ecclésiastiques.
Voilà
l'abbé Costel devant un choix difficile : sortir de France, c'est-à-dire
émigrer ou se cacher
et risquer la déportation en Guyanne. C'est cette dernière option
que l'abbé Costel avait choisi... avant ou après la promulgation
de cette loi du 26 août 1792, nous ne savons pas. Réfugié,
donc, à Chaumot, chez son neveu, l'abbé Martin Costel, il se présente
début avril 1793 à la mairie pour demander un passeport intérieur.
Son attitude paraît suspecte à la municipalité qui en réfère
aussitôt au Directoire du District de Joigny, auquel elle écrit que
: Le certificat de prestation
de serment qu'il présente n'était pas entièrement
rassurant sur son compte puisqu'il peut l'avoir rétracté
et que, par ailleurs, la précipitation avec laquelle il a cherché
à s'éloigner de Chaumot au moment où on a paru s'occuper
de lui ne peut qu'augmenter les soupçons de la municipalité. (A.D.Y.
L 827).
Aussitôt, le Directoire
du District, après délibération, donne pour instruction au
maire de Chaumot « de s'assurer de la personne de Costel dont l'attitude
est suspecte et la rétractation probable ». (A.D.Y. L 827). Le
1er mai, les Gardes Nationaux se présentent à la porte du curé
de Chaumot. L'abbé Martin Costel leur donne des « réponses
équivoques » concernant son oncle qui avait disparu. Devant
cette situation, le Directoire du District de Joigny : Considérant
que la recherche qu'il avait ordonné en la personne du cy-devant curé
de Foissy a été infructueuse, que cependant il reste encore des
doutes sur la résidence d'un prêtre insermenté qui
est dans le cas de la réclusion étant donné qu'il est âgé
de plus de 60 ans, arrête de donner les ordres nécessaires
pour la recherche du dit prêtre insermenté dans tout le département.
(A.D.Y. L 827).
La gendarmerie est mobilisée
le 4 juillet. Ses recherches resteront vaines. L'abbé Costel avait disparu. Un
an après, la décision est prise de mettre en vente, comme biens
nationaux, ce qu'il possède à Foissy. L'inventaire en est décidé
le 16 mai 1794. Le document que possèdent les Archives Départementales
explique sans doute, au moins pour partie, la confusion qui s'intaurera sur la
situation de Costel pendant cette période troublée de la Révolution. Rendons-nous
à Foissy le 9 juin suivant, en pleine Terreur : Aujourd'hui,
27 floréal an III, le Conseil général (de la Commune) après
avoir entendu les explications données par les citoyens Claude Goussé,maire,
et Gabriel Goussé, agent national de la commune de foissy, sur la dénonciation
faite par le comité de surveillance du dit foissy, relative
à de prétendus enlèvements et divertissements de meubles
et d'effets appartenant à Costel, ex-curé du dit lieu, déporté...
les effets restant appartenant à Costel, Déporté.
Une
mention marginale est ajoutée : Costel, prêtre émigré...
(A.D.Y. L 496). Pourquoi avoir écrit dans le texte « déporté »,
alors que chacun savait qu'il ne l'était pas. Par contre, Costel n'ayant
pas été jusqu'alors condamné, inscrire en mention marginale
« émigré », ce que chacun pouvait supposer,
permettait de considérer ses biens comme nationaux. Le 13 germinal
an III (2 avril 1795) seuls seront vendus quelques ares de vigne. Nous voici
donc parvenus en 1795, en pleine réaction thermidorienne où tant
les royalistes que le clergé reprennent espoir. Le culte catholique est
rétabli. Est-ce en raison de la révolte des royalistes, réprimée
par Bonaparte le 5 octobre 1795, que la Convention édicte une loi vingt
jours plus tard, (le 3 brumaire an IV -(25 octobre) relative aux prêtres
sujets à la déportation ou à la réclusion ? En fait,
la loi ne semble pas très redoutable pour les prêtres âgés. L'abbé
Bonneau écrit : Lors de l'exécution
de la loi du 3 brumaire IV, Costel se présente à l'administration
centrale, et, comme il est septuagénaire, il demande à être
enfermé dans la maison de réclusion du chef-lieu. La maison qu'on
destinait à recevoir les prêtres n'étant pas prête,
on le renvoie. Il se retire alors à Coursan. (Op.
cité).
Passons sur le fait que
l'abbé Costel n'est pas septuagénaire, mais âgé de
66 ans. Par contre, voilà qui ne correspond pas, en ce qui concerne les
dates et les circonstances, avec le document des Archives Départementales
(dossier L 99 du registre) qui nous apprend : la
levée du sequestre établi sur les biens du citoyen Claude Costel,
ex-prêtre, mis en liberté par le représentant du peuple, envoyé
dans l'Aube en Floréal an III.
C'est-à-dire
en mars-avril 1795, six mois avant la loi du 3 brumaire an IV. Quoiqu'il
en soit, voici notre abbé Costel de retour à Coursan. La période
d'apaisement qui avait suivi la Terreur ne dura pas. Avec ce qu'on appellera le
coup d'état de Fructidor (4 septembre 1797) qui donnait tout pouvoir aux
républicains au sein de l'assemblée, la chasse aux prêtres
recommence, qu'ils soient assermentés ou réfractaires. Il suffit
qu'ils soient suspects d'hostilité, voire simplement de tiédeur,
envers la République. Que va faire l'abbé Costel ? Lorsque
les jours redeviennent mauvais, il demeure caché dans un tas de 1.200 fagots
au milieu desquels on lui a aménagé une retraite.
est-il
écrit dans L'Annuaire d'Ervy le Chatel pour l'année 1866. Voilà
qui nous rappelle que l'abbé Bellaguet, curé de Saint-Pregts à
Sens avait, au même moment, usé du même subterfuge dans son
église désaffectée et louée à un meunier
à tan, Lordereau, qui y stockait ses écorces. L'abbé
Costel eut moins de chance. Dénoncé, il fut arrêté
le 10 thermidor an VII (28 juillet 1799), et aussitôt transféré
à la maison de réclusion d'Auxerre (A.D.Y. L 695). Condamné
le 19 thermidor par le Directoire exécutif du département, il y
restera jusqu'au 27 nivôse an VIII (17 janvier 1800), jour où il
sera libéré, « à la demande de l'administration
d'Ervy », précise Etienne Meunier (Histoire de Foissy
- Bulletin de l'A.P.V.V. 2008). Le coup d'état de Bonaparte le 18
brumaire précédent (9 novembre) avait mis fin à la Révolution
et aux épreuves de l'abbé Costel. Il retourne aussitôt à
Coursan, près de sa famille. Au moment de la signature du Concordat
par Bonaparte en 1801, nombre de paroisses étant sans titulaire, il fut
procédé dans l'Yonne au recensement des prêtres « aptes
à être mis à la tête d'une cure ». L'abbé
Noiret (Op. cité T. I p. 111), qui publie cette liste, où figure
l'abbé Costel, écrit au préalable
que l'évêque (il s'agit de l'évêque de Troyes, alors
en charge du diocèse de l'Yonne) devait,
selon le désir de Bonaparte, mêler les prêtres dans la proportion
de 2/5ème d'assermentés à 3/5ème de réfractaires
ou rétractaires.
L'abbé
Costel ne reçut aucune affectation. Il est vrai qu'il a alors 72 ans. La
pénurie de prêtres va se faire de plus en plus sentir. En 1803, une
paroisse sur trois est dépourvue de desservants. Pour faire face à
cette vacance, des laïcs, souvent le maire ou l'instituteur, remplissent
les fonctions réservées aux prêtres, en se livrant à
des simulacres de célébrations. Mgr de Latour-du-Pin, l'évêque,
en ordonna la cessation. La situation devait bien être identique dans
le diocèse de l'Aube. Est-ce pour cela qu'en 1808 l'abbé Costel
se vit offrir de devenir curé de sa chère paroisse de Coursan, ce
qu'il accepta aussitôt ? Il est âgé de 79 ans. Il va rester
curé de Coursan jusqu'à sa mort le 3 avril 1813, à 84 ans. Bien
que la pratique en ait depuis longtemps cessé, il eut le privilège
d'être inhumé dans son église, devant le maître-autel.
L'abbé Bonneau, qui rapporte les faits dans La Semaine Religieuse
du 31 octobre 1890, cite l'inscription qui fut alors gravée sur la pierre
tumulaire. Ci-git M. Claude-Marc Costel, né
à Coursan : ci-devant curé de Foissi, doien rural de Vanne, député
aux états généraux par le clergé du bage (bailliage)
de Sens en 1789, décédé le 3 avril 1813, âgé
de 84 ans. Priez Dieu pour le repos de son âme. Ecce elongavi
fugiens et mansi in solitudine, quoniam vidi iniquitatem et contradictionem
in Galliâ.
ce qu'il traduit ainsi : « J'ai
fui au loin et me suis confiné dans la solitude, à cause des critiques
et des factions dont la France m'offrait le spectacle ». Ces paroles
sont tirées du psaume 54 , seulement on a remplacé les mots du texte
: in civitate par l'expression finale : in Galliâ.
Ainsi
se terminait la vie sur terre de Claude-Marc Costel, né à Coursan
en 1729, mort à Coursan en 1813. Que conclure ? L'abbé Costel
avait prêté serment avec restriction. Député de l'Assemblée
nationale constituante, s'était-il résolu à cette option
bâtarde avant ou après le monitoire pontifical d'avril 1791 ? Il
sera révoqué le 1er mai suivant. Se cacha-t-il tout de suite
? Certainement pas, la chasse aux prêtres réfractaires n'étant
pas commencée. On peut penser qu'il se réfugia à Chaumot
quand le vent mauvais de la Terrreur se mit à souffler à la fin
de 1792. Il échappa aux recherches ordonnées contre lui en
mai 1793. En 1795, croyant l'incendie éteint, se sentant protégé
par son âge, il se présenta « naïvement »
à la maison de réclusion d'Auxerre, où il ne fut pas interné
faute de place. Sur dénonciation il y sera après le coup d'état
de Fructidor (1797) et sera légalement libéré en janvier
1800. Bien évidemment j'ai voulu me rendre sur les lieux de son inhumation.
Intérieur de l'église de Coursan où est inhumé l'abbé Costel
sous les chaises devant le maître autel (source Luc LORNE)
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C'est
ce que je fis en octobre dernier, en compagnie de M. Alexis le Bian à
qui nous devons les photographies de Coursan et de son église.
Nous
avons été reçus par MM. Luc Lorne, ancien maire et Gérard
Mignon, tous deux sensibles à l'histoire de leur petite patrie. Ils me
remirent quelques documents sur leur village et sur l'abbé Costel. Ils
étaient accompagnés de M. René Prestat qui habite la commune
voisine de Chessy-les-Prés. L'an passé, M. Prestat a honoré
le Salon d'Automne de ses grandes et belles sculptures sur bois. Cette rencontre
avait été, pour moi, l'occasion de lui parler de Coursan et de l'abbé
Costel. Il m'a aussitôt proposé de me faire rencontrer son ami, M.
Lorne. Qu'ils soient tous les quatre remerciés, tout comme, ici,
Jacques Gyssels qui m'avait, il y a quelques années, aidé dans mes
recherches sur l'abbé Costel aux Archives Départementales.
Le 2 décembre 2008. E. DODET.
Lavage de moutons à Coursan (source Luc LORNE) au hameau Le Mareau
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Battage à Coursan - entreprise VIAULT de Neuvy-Sautour (source Luc LORNE)
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