Foissy-sur-Vanne
et les BérulleFoissy et les Bérulle, c'est une
longue histoire d'au moins 140 ans. C'est surtout plusieurs pages d'histoire de
France, de l'Ancien Régime à la IIIème République,
en passant par la Révolution. L'origine de cette famille se situe
dans l'Aube, près de Cérilly.
Il aura fallu l'ascension d'un de ses membres, Pierre de Bérulle (1575-1629),
fondateur de l'ordre des Oratoriens,
jusqu'au rang de cardinal pour que la famille toute entière accède
à une grande notoriété et à une reconnaissance royale
au travers de très hautes fonctions.
Pierre
de Bérulle
Le propre neveu du cardinal, Jean
de Bérulle, est nommé conseiller d'Etat et procureur général
de Marie de Médicis. Son fils Pierre de Bérulle fut nommé
en 1697 Premier Président du Parlement du Dauphiné. En 1720, Louis
XV accorde à cette famille le titre de marquis, le marquisat englobant
une dizaine de villages et deux châteaux, Cérilly et Foissy.
Vue
aérienne du château de Cérilly (photo Guy Talvat)
C'est
dans la première moitié du XVIIIème siècle et propablement
dans les années 1735 que le petit-fils de Jean, le marquis Amable Pierre
Thomas de Bérulle, vint s'installer à Foissy. Il ne supportait plus
l'humidité des terres du château de Cérilly. Il fit
agrandir ce qui n'était qu'un modeste manoir et aménager les communs
qui fermaient complètement la cour d'honneur. Une succession de bâtiments
s'étendait au sud et jusqu'au moulin, lequel faisait partie de la propriété.
le
château de Foissy (photo P. Rocoplan)
Au-delà
de la Vanne s'étendait une grande partie des terres du marquis comprenant
la prévôté de Montaudouart, les fermes de Milly, le Génétroy
et le Trou au Renard.
plan
cadastral montrant l'étendue des terres du château
En
face du château et derrière deux tours très anciennes se blotissaient
la basse-cour, le potager et le colombier, lequel abrite trois mille boulins,
ce qui sous-entend un domaine de 3000 acres, soit environ 1500 hectares.
vue
aérienne de Foissy (photo Guy Talvat). On distingue la tour du colombier,
le potager, le château et ses dépendances.
Les
Bérulle, outre leur titre de Marquis, accèdent aux fonctions de
Premier Président du Parlement de Grenoble, mais également de Conseiller
du Parlement de Paris et conseiller du roi.
Parlement
de Grenoble vers 1840 (source Wikipédia)
C'est
pourquoi le marquis Amable Pierre Thomas de Bérulle fit construire en 1766
un hôtel particulier 15 rue de Grenelle, par l'architecte Brongniart.
Cet hôtel existe toujours, il abrita le bureau de Louis Aragon en 1924
Hôtel
de Bérulle, 15 rue de Grenelle à Paris (source Wikipédia)
Sous
Louis XV déjà des tensions se révèlent entre les ministres
du roi et le parlement. Après l'épisode du parlement Maupéou,
où le marquis est relevé de son titre au profit d'un procureur général
(1771), le marquis est rétabli en 1775. En 1788, le Parlement de Grenoble
proteste contre les édits de Loménie
de Brienne. Le Parlement est mis en vacances et son président assigné
à Foissy. Il s'en suit des échauffourées à Grenoble
où la troupe est envoyée. C'est la « journée
des tuiles », le sang coule, avec elle s'amorce la Révolution
Française.
Finalement,
le roi convoquera les Etats Généraux où l'on retrouvera le
curé de Foissy (voir l'article d'Etienne DODET
sur l'abbé Costel), représentant du Clergé pour le baillage
de Sens. D'ailleurs ce curé refusa de prêter serment et dut
se cacher au château de Foissy et puis s'enfuir. Ses biens furent mis en
vente et rachetés par le marquis de Bérulle en vue de les lui restituer. A
la Révolution, le père Marquis A.P. Thomas de Bérulle est
à Paris, rue de Grenelle. Albert est à Foissy et a déjà
repris la charge de Président du Parlement de Grenoble. Selon diverses
sources, Albert de Bérulle qui correspond avec son père sera arrêté
une première fois et libéré. Plus tard, à la demande
d'un commissaire détaché de Paris, il sera arrêté au
château de Foissy, transféré à Sens puis transporté
dans sa propre voiture à cheval en prison à Paris. Il sera guillotiné
le 24 juillet 1794 à la barrière du Trône et « enterré »
au cimetière
de Picpus. Son père resté à Paris, selon certaines
sources, aurait été arrêté ainsi que son concierge
et guillotiné le 6 avril 1794, soit trois mois avant son fils. Selon
d'autres sources, au contraire, Thomas aurait été libéré
et serait mort au château de Foissy le 17 avril 1797. Mais alors Albert
n'aurait jamais été Marquis... et quand on sait que les scellés
avaient été placés sur le château et furent levés
en 1795, que le personnel des Bérulle sans ressources avait fait un procès
à l'Etat pour réclamer leurs émoluments... Le château
utilisait en 1789 vingt cinq personnes directement et plus du double si l'on intègre
les petits métiers (blanchisseuse, maréchal-ferrant...). Après
la Révolution, la propriété était amputée d'une
grande partie de ses immeubles et terres mais conservait entre autre la ferme
de Milly.
Balthazar
Joachim Laurent de Bérulle, chevalier de Malte et ancien commandant de
la Marine, a quitté ses fonctions en 1792 et n'est revenu en France qu'en
1800. Frère d'Albert de Bérulle le supplicié, il avait 38
ans et régna sur le domaine jusqu'en 1837, date de sa mort. C'est
lui qui avec les quelques biens sauvés de la Révolution reconstitua
la propriété autour du château avec son parc et ses jardins.
Il donna en location les terres, et en particulier la ferme de Milly. Après
son décès, ses biens furent partagés en trois parts égales
entre son fils ainé Marcellus, Hugues comte de Bérulle et Clara
de Bérulle, épouse de Louis Pierre de la Porte. C'est donc Joachim
Marcellus de Bérulle qui a dans sa part la propriété. Il
en modifiera sensiblement le contour : - en échangeant
diverses parcelles avec ses voisins les Vajou, - en passant un contrat avec
la commune lui permettant de récupérer les bords du canal de décharge
en échange de la construction d'un lavoir pour les habitants de Fosseblin
(Est de Foissy) et en construisant deux ponts dont le pont de Milly, - en rachetant
le pré Gerland ou pré de l'âne au sud jusqu'à l'ancien
cimetière de Foissy.
Ce marquis sous Napoléon
III fut nommé par le préfet Maire de Foissy en lieu et place d'un
sieur Vajou, lequel reprendra ses fonctions deux ans après. En 1847,
la grosse cloche de l'église est installée. Son parrain est Joachim
Marcellus, Marquis de Bérulle. La famille de Bérulle avait
fait construire dans les bois au lieu dit « la Creuse »
un mausolée pour y enterrer ses membres.Ces bois avaient été
au XVème siècle abandonnés aux habitants de Foissy par le
chevalier Piédefer pour y exercer un droit d'affouage et y exploiter des
carrières de plâtre pour aménager les chemins et construire
leurs murs. A la Révolution, les habitants avaient en 1792 obtenu du Tribunal
de Sens que ces bois soient déclarés communaux. En 1881,
la commune fait un nouveau procès à la famille de Bérulle,
Marcellus vient de décéder le 16 février 1881.C'est sa fille
Louise, Blanche Denyse de Bérulle, épouse du marquis de Blangy,
qui hérite de la propriété le 14 mai 1881. Dès 1883,
la marquise vendra le château et ses dépendances dont le potager
et le pigeonnier à Pierre Bastouil, architecte à Paris. Les
descendants des Bérulle allaient rejoindre les Ardennes où les Blangy
ont une propriété. Les corps gisants dans le mausolée sont
relevés pour y être transportés. Selon l'arrêt, il s'agit
de : - Aimable Pierre Thomas de Bérulle - son épouse
Catherine Rolland de Chambaudoin - Balthazar Joachim Laurent de Bérulle
la
cheminée du château de Foissy carte postale ancienne collection
Guy TALVAT
Ici s'arrêtent 150 ans de présence
de la famille au château de Foissy à travers des époques fastes
ou dramatiques. Il en reste une cheminée monumentale aux armes des Bérulle.
Il y avait dans l'escalier principal un portrait du cardinal de Bérulle
il y a une cinquantaine d'années et dans une chambre en frontispice on
a peint les symboles de la liberté, la fraternité, la liberté
qui n'est plus lisible. Foissy le 1er octobre 2012 Paul-H ROCOPLAN
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